Finale Fédérale FSGT 2008

Le samedi 7 juin était enfin arrivé.

La veille, mes partenaires de salle et moi avions pris le train pour Bordeaux. Lorsque nous avons rejoint notre hôtel, vers 23 heures, tous les athlètes participants étaient déjà là. À l’entrée, je n’avais jamais vu une telle concentration de costauds et de gros au mètre carré, même dans une salle de muscu. Des bodybuildés, des types énormes qu’on aurait dit gonflés à l’hélium. Aussi, entre quelques balèzes, se tenaient des plus minces, voire très très minces pour une compétition de force.
Beaucoup avait surtout l’air de se connaître. J’avais l’impression d’arriver à une fête de famille, comme un mariage, où les membres se retrouvent après des mois, voire des années d’éloignement.
Une famille, oui, je pense que le mot est juste. En attendant, je faisais partie des nouveaux venus.

Après une bonne nuit de sommeil et avant de prendre un bon petit déjeuner, je devais me rendre au gymnase du Gazelec pour la pesée qui se tenait de 7 à 8 heures : 72 kilos !!! Waouh ! Cela faisait des années que je n’étais pas descendu à ce poids. Mon poids s’est stabilisé à 75 kilos depuis des années. Seulement, allais-je être capable de faire les mêmes barres en étant plus léger ?
Je devais également annoncer mes barres de départ : 145 au squat,105 au couché et 175 au soulevé de terre.

La compétition allait se dérouler en deux temps : le matin : les juniors, les féminines et les vétérans. Quant aux séniors, ils allaient pousser (ou tirer, cela dépend du mouvement)… Je vous laisse deviner … L’après-midi. Vous aviez trouvé ? Vous êtes vraiment trop forts !

En entrant dans le gymnase, mon regard a tout de suite été attiré par la fresque reproduisant le fameux GUERNICA de Picasso. « LA » toile du XX° siècle selon moi, de par sa taille, l’artiste qui l’a peint et sa puissance émotionnelle, qui renvoie à un épisode tragique de notre histoire. J’ai trouvé très étrange de trouver ma toile préférée dans ce gymnase. Etait-ce un signe ? Allait-il se passer quelque chose cet après midi ? un miracle ?

La compétition pour les séniors a commencé vers 15h15 avec le premier mouvement : le squat.
Mais avant, il fallait donner la hauteur pour les supports, puis il y a eu la présentation des athlètes par catégorie de poids. Les moins de 76 kilos allaient pousser et tirer sur le plateau bleu et les plus lourds sur le plateau rouge.

L’échauffement en compétition est assez stressant. Au début, tous les athlètes s’affairent et les gros inconvénients pour le squat, c’est de trouver une barre sur des supports adaptés à sa taille (et avec mon mètre soixante cinq, je suis un peu embêté) puis gérer la progression de la charge sur la barre en fonction du temps qu’il reste avant d’être appelé.
Je commençais donc à m’échauffer et arrivé à 120 kilos, c’était la panique. Mes cuisses étaient trop faibles. J’avais l’impression d’avoir 140 kilos sur la barre. Peut-être n’étais-je pas bien échauffé ? J’ai réalisé à quel point le peu de séances de squat que j’ai pu faire ces dernières semaines à cause de ma tendinite allait me pénaliser.
Par sécurité, j’ai demandé à descendre ma barre de départ de 10 kilos, soit 135 kilos puis j’ai couru chercher Paolo, un des responsables de ma salle qui devait aussi me parer. Il m’a rassuré en me disant que tout allait bien se passer et j’ai repris l’échauffement. La barre de 120 kilos est passée beaucoup mieux.

Au micro, on m’appelle. Finalement la barre de 135, puis de 145 kilos sont plutôt bien montées. Pour mon troisième et dernier essai, je me trouvais devant le grand dilemme : choisir 150 ou 155 kilos, que j’avais réussi il y a deux mois. Préférant jouer la carte de la sécurité, j’ai demandé 150 kilos, barre que venait de réaliser un de mes adversaires pour son troisième essai. Je suis finalement parvenu à me relever avec les 150 kilos sur les épaules.

david perrodou squat

Le second mouvement était le développé couché. Le temps de préparer le matériel sur les deux plateaux, nous avions eu le temps de nous échauffer.
Mes deux premiers essais, à 105 puis 112,5 kilos ont été réussis sans trop de difficultés. J’ai demandé alors 117,5 kilos pour ma dernière tentative. J’avais fait 120 kilos le 10 mai, mais au rebond.
En compétition, le couché se fait « à la claque », c’est à dire qu’il faut marquer un temps d’arrêt d’une seconde environ lorsque la barre touche la poitrine. C’est l’un des trois juges de plateau qui donne le signal de remonter sans élan la barre, en tapant dans ses mains.

DC

Malheureusement, le manque d’entraînement des dix derniers jours a fait que je n’ai pu passer le passage critique, celui ou les bras et les avants-bras forment un angle de 90°. J’avais beau pousser de toutes mes forces, la barre ne pouvait plus monter, comme si un champ magnétique l’attirait vers le sol. J’aurai dû demander 115.

Enfin, une fois que tous les athlètes avaient accompli leur troisième essai, il était temps de passer au clou de cette compétition, avec le soulevé de terre.
Placé à la fin des compétitions de Powerlifting (le nom anglais de la Force athlétique), le soulevé de terre est le mouvement, avec le squat, qui permet de soulever de très lourdes charges et de marquer le maximum de points. Il est LE mouvement de force par excellence.

J’avais choisi une première barre à 175 kilos qui m’a semblé plus légère que d’habitude. Pour la seconde, j’ai demandé 185 kilos alors qu’en salle je stagnais depuis le 19 mars à 180 kilos à cause de ma tendinite. j’avais seulement réussi 185 à l’entraînement, une fois, le 28 mai.
J’ai réalisé mon second essai avec une relative facilité. Et là, j’ai compris qu’il se passait quelque chose. Peut-être pouvais-je soulever le 190 qui me semblait inaccesible depuis ma reprise ? J’ai donc demandé que ma dernière barre soit chargée à 190 et le gars qui donnait les instructions aux chargeurs m’a lancé « Tu fais le petit joueur ou quoi ? Tu as vu comment ta barre est montée ? tu peux faire 195 ou 200 kilos ». Il avait raison, c’est vrai que j’avais tiré ma barre avec énergie. Mais de là à faire 195 ou 200 kilos…
Et puis voyant que mon adversaire pour le squat venait de réaliser 195 kilos, je me suis dit que, de toutes façons,les dés étaient jetés : je n’avais plus rien à perdre. J’ai opté pour 195 kilos.

C’était à mon tour. J’ai plongé mes mains dans le bac de magnésie puis je me suis avancé jusqu’à la barre. Je l’ai saisi, ma main gauche en pronation, l’autre en supination pour assurer une bonne prise en évitant que la barre tourne sur elle même. J’ai fléchi mes jambes, cambré légèrement les reins pour garder le dos le plus droit possible et j’ai levé le regard en hauteur. Je voyais malgré tout le juge qui était assis en face de moi, la main levée très haute, prêt à me donner le signal de poser la barre. Je me suis dit : « Tiens, il ressemble à Akhenaton, le chanteur d’IAM« . Ensuite, j’ai fait le vide dans ma tête, j’ai fait abstraction de mes petits soucis, de toutes pensées négatives et même d’Akhenaton qui me regardait avec son air sévère. À cet instant plus rien n’avait d’importance. Je devais seulement me concentrer sur le mouvement, le bon geste, celui que je répétais depuis 6 mois et que je visualisais mentalement, en me concentrant sur la sensation de pousser-tirer. Enfin, j’ai pris une profonde inspiration et j’ai bloqué l’air dans mes poumons pour que mon torse reste rigide pendant l’ascension complète de la barre. J’ai alors poussé sur mes jambes de toutes mes forces. Ma tendinite n’avait plus d’importance.
`
Le matin, j’avais vu un signe dans le Guernica de Picasso et il se passait l’incroyable. Si la semaine précédente on m’avait dit que je choisirai cette barre, j’aurais répondu :  » impossible » et cela m’aurait même faire rire.

La barre a dépassé le niveau des genoux. Le passage des genoux, c’est le passage critique en soulevé de terre. Le plus dur venait d’être passé, mais je devais continuer dans ma lancée, m’accrocher, ne pas lâcher prise.

195 !!!_edited

Une fois debout, les épaules tirées en arrière, complètement immobile, Akhenaton me donna le signal de poser la barre. Dans cette dernière phase du mouvement, je ne devais pas commettre l’erreur de lâcher la barre à terre, mais la poser, l’accompagner dans sa descente avec mes mains, au risque de faire essai.

Je me suis redressé, j’ai regardé le panneau d’arbitrage et j’ai vu les trois lampes blanches s’allumer indiquant que l’essai était validé par les trois juges.

J’étais heureux bien sûr, mais je n’ai pas explosé de joie. J’ai débouclé ma ceinture, la laissant tomber par terre pour prendre ma bouteille d’eau et me désaltérer (oui, l’eau, ça des-haltères. Pardon, je sais, elle était facile) en repensant à ce que j’aurai pu faire dans les autres mouvements, le squat en particulier, s’il n’y avait pas eu cette fichue tendinite.

Puis je me suis dit que ce que je venais de faire après six mois de reprise n’était finalement pas si mal. J’étais classé quatrième et les trois premiers n’en n’étaient pas à leur première compétition. 17,5 kilos et 12,5 kilos me séparaient des totaux du second et du troisième. Et puis je venais de réaliser enfin 195 kilos. L’idée qu’il y avait peut-être 200 dans l’effort que je venais de faire me réconfortait un peu plus.

Mes perfs et mon bilan pour cet compet’ :
Mes barres ce jour là :

  1. SQUAT : 150 kilos
  2. DEVELOPPE COUCHE (bench press) : 112,5 kilos
  3. SOULEVE de TERRE (deadlift) : 195 kilos

Total : 457,5 kilos

Au cours de cette première compétition, j’ai mis du temps à rentrer dedans, à prendre confiance en moi, à « avoir la niaque ». 10-15 kilos supplémentaires au squat et 10 pour le couché m’auraient suffit pour être entièrement satisfait. Mais bon, je ne dois pas oublier mes blessures au cours de cette petite saison qui m’ont fait perdre du temps et me dire que mon entraînement était resté très simple.
Avant de me préparer pour la saison prochaine et d’organiser mon entraînement par cycles, je dois d’abord guérir de ma tendinite. Et ça, c’est une autre histoire …

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